THERAPIE GENIQUE : Promesses et enjeux d’une révolution thérapeutique
Résumé du webinaire du 09/11/2021
Les projections anticipent que les thérapies génique et cellulaire représenteront à terme au moins 50% des nouvelles thérapies[1]. La thérapie génique a démontré son efficacité dans le traitement des cancers et des maladies rares du sang, du système immunitaire, de la vision, du muscle... Début 2020, huit médicaments de thérapie génique sont disponibles. Des succès qui vont en entraîner bien d’autres…
Afin d’anticiper cette révolution et de garantir aux patients un accès pérenne aux traitements, les pouvoirs publics français vont devoir relever des défis majeurs.
Real Staffing a souhaité mettre la lumière sur ces défis, ainsi que les solutions qui existent, au moyen d’un webinar conjointement organisé avec PTC Therapeutics, le mardi 9 novembre 2021. Nous avons eu l’honneur de convier 4 intervenants qui ont partagé avec nous leurs connaissances du domaine :
- Lyse Santoro (directrice générale de la société THAC, personnalité qualifiée du CSIS)
- Sylvain Forget (président et co-fondateur de BlueDil, secrétaire général de G&CTI - Gene & Cell Therapy Institute)
- Pierre Olivier Boyer (directeur général de PTC Therapeutics, Inc. France, président de l’association GRAN-TG)
- Charles Ransart, Charles Ransart, vice-président de l’Association française de l’Ataxie de Friedreich (AFAF)
Voici le lien de la vidéo : Promesses et enjeux d’une révolution thérapeutique - YouTube
Différents types de thérapie génique pour quelles applications
Lorsqu’on parle de thérapie génique, on doit spécifier de quel type de thérapie génique on parle. Certaines thérapies géniques ciblent des maladies rares donc un nombre limité de patients, d’autres types parlent de techniques de neurochirurgies profondes, et d’autres ciblent l’immunothérapie.
Il y a différentes stratégiques thérapeutiques :
- Apporter une copie d’un gène fonctionnel dans une cellule cible, acheminé par un vecteur, pour suppléer un gène malade. La plus connue. Traiter des maladies monogéniques. Le gène supplé ne modifie pas le gène malade mais s’ajoute.
- Méthode « réparer un gène altéré directement dans la cellule ». réparer des mutations géniques
- Modification de l’ARN pour obtenir une protéine fonctionnelle.
- Production cellules thérapeutiques par TG (exemple : Car-T Cells dans le cancer). Association des thérapies cellulaires et thérapies géniques pour que les cellules possèdent de nouvelles propriétés thérapeutiques.
- Utilisation de virus génétiquement modifiés dans le domaine de l’oncologie. Ces virus infectent spécifiquement des cellules tumorales qui existent.
Le système de soins français parvient-il à prendre en compte les spécificités des thérapies géniques ?
Actuellement, le système français arrive partiellement à prendre en compte les particularités de ces thérapies. Toutefois, les thérapies géniques présentent beaucoup de défis pour les pouvoirs publics français.
- En termes de développement: la France a un certain savoir-faire et une belle expérience en termes de développement de médicaments en thérapie génique (chercheurs, patients, pouvoirs publics…)
- En termes de production, le plan innovation santé propose des solutions pour relancer la production (cf les recommandations du CSIS plus bas)
- En termes d’enregistrement: beaucoup de médicaments découverts en France sont aujourd’hui développés par des start-up qui ne sont pas en France.
- En termes d’accès, la France conserve l’avantage de proposer ces produits en amont de l’AMM (ex-ATU). La réforme de l’accès précoce n’a pas modifié la mise à disposition des médicaments en amont de l’AMM.
- En termes d’évaluation de médicaments, c’est assez difficile. D’une part, on parle d’évaluation à long terme, ce qui implique de prendre des hypothèses et de gérer l’incertitude. D’autre part, il y a une multiplicité des acteurs impliqués dans l’évaluation et l’enregistrement de ce type de produits, ce qui complique aussi les choses.
- En termes de financement, il y a énormément de travail à faire. Ces thérapies sont chères et nécessitent de trouver un équilibre économique.
Quelles sont les mesures du dernier CSIS qui auront un impact direct sur les thérapies géniques ?
Le CSIS (Conseil Stratégique des Industries de Santé) a travaillé sur la problématique suivante : comment faire en sorte que la France redevienne leader de l’innovation en santé ? Le président a annoncé cet été le Plan Innovation Santé, qui est un plan de relance à 7 milliards d’euros d’ici 5 ans. Les biothérapies, en particulier les thérapies géniques et cellulaires, ont été intégrées dans ce plan.
Voici 3 axes de propositions qui ont été abordées lors du dernier CSIS :
- Comment faire en sorte que la France redevienne attractive au niveau des essais cliniques?
- Réforme des CPP avec une clarification des CPP, du rôle l’ANSM, des moyens financiers, de recrutements, des indemnités aux évaluateurs etc.
- Mesures pour mobiliser les CHU pour permettre une inclusion des patients plus rapides.
- Possibilité de mettre en place des essais cliniques en ville (ou essais en vie réelle / adaptatifs) pour permettre une évaluation des médicaments sur le long terme
- Comment faire en sorte que la France développe et garde ses entreprises innovantes?
Constat : La France a rattrapé son retard sur la création des entreprises innovantes ces dernières années, mais la France a du mal à les garder ou les faire grandir
- Renforcer l’investissement de BPI France (plus de 1,5 milliards d’euros dans les prochaines années)
- Renforcer l’innovation tibi, ou permettre à certains fonds en santé de recevoir plus d’investissements institutionnels (ex : mutuelles, assureurs ou épargne)
- Mise en place d’un fonds technologique de souveraineté. L’Etat aura la capacité d’intervenir au capital des sociétés en utilisant des critères différents de ceux utilisés par les investisseurs. Par exemple, les sociétés qui ne feront pas forcément un multiple de sortie très intéressant, mais celles qui travaillent sur une vraie problématique d’apporter une solution thérapeutique aux patients, ou d’avoir une vraie valeur économique.
- Comment développer la bioproduction?
- Plus de 800 millions d’euros seront débloqués sur les biothérapies
- Engagement de plus de 2 milliards d’euros par le secteur privé
- Développement de l’outil industriel. Consolider les moyens pour mettre en place de nouvelles chaines de production pour les thérapies géniques et cellulaires, financer de grands programmes publics privés, et soutenir des projets de bioproduction à travers des appels de manifestation d’intérêt.
Concernant l’accès au marché et le parcours réglementaire d’une thérapie génique, les acteurs y sont nombreux et multiples (ANSM, HAS, DGS, DSS etc). De par son statut OGM, la porte d’entrée initiale, ministère de l’Agriculture, n’étant pas celle attendue à savoir celle du ministère de la Santé.
Leur accès au marché fait face à de nombreuses d’incertitudes au niveau des essais cliniques, du financement etc. Les industriels travaillent en collaboration avec l’Etat et les administrations afin d’y apporter des améliorations. Selon Pierre-Olivier Boyer, l’une des actions majeures serait de réunir les autorités, les industriels mais surtout les associations de patients et les filières de soin dont l’objectif serait de créer un parcours unique concernant les essais cliniques, l’accès précoce etc.
Charles Ransart rejoint Pierre-Olivier Boyer quant à la réunion des divers acteurs afin d’y lever certaines barrières et d’y apporter une législation évitant les dérives de ces patients désespérés rappelle t’il.
Charles Ransart met l’accent sur l’attente des patients pour ces thérapies innovantes pour les maladies rares, avec la notion d’un critère temps. Le temps pour ces patients ne correspond pas à celui des chercheurs, de l’administration etc. Si nous prenons le cas d’études cliniques de faible cohorte, pour y percevoir une efficacité objectivable, un temps long d’étude est ainsi nécessaire. Un temps que les patients n’ont pas. Il s’agit alors du cri des malades atteints de maladies rares.
Le CSIS a fait le constat d’un très grand cloisonnement avec pour conséquence une multiplicité d’acteurs, diluant alors les responsabilités de chacun. Ce constat a conduit le CSIS à recommander la mise en place d’une Agence Innovation Santé au 1er Janvier 2022 et dont la mission serait d’avoir un rôle transverse :
- dépendante du Ministère de la santé, de l’industrie et de la recherche,
- organisé autour d’une équipe réduite très réactive disposant d’un vrai rôle décisionnaire,
- et d’un budget propre.
Cette Agence Innovation Santé sera intégrée dans le Plan Innovation Santé de 2030.
Comment répondre au besoin de pédagogie sur les biomédicaments ?
Selon Sylvain Forget, la principale bataille serait de répondre à un besoin important d’informations et de formation de certains acteurs décideurs comme remarqué lors des dernières discussions sur la loi de Bioéthique, du grand public etc. Formations sur ce qu’est une thérapie génique mais également sur la bio production, le quotidien des patients etc.
Pour y répondre, quelques solutions :
- via des webinaires,
- des think tank (ex: G&CTI : Gene & Cell Therapy Institute),
- l’intégration des formations dans les cours de médecine etc
Lyse Santoro rappelle également la connexion entre thérapie génique et prix très élevés. Cela suscite de fortes craintes au niveau du ministère de la Santé, à savoir une non maitrise du budget et des coûts. Ainsi les associations de patients, au côté des industriels, doivent avoir un rôle explicatif auprès du Ministère, des enjeux de santé publique, des économies indirectes réalisées.
Webinar enregistré le 9 novembre 2021
Modération : Joy Cressot, Responsable pôle Biotech & Pharma, Real Life Sciences
Organisé par : Real Life Sciences, PTC Therapeutics, Portland
[1] Le grand défi de la bioproduction | AFM Téléthon (afm-telethon.fr)
Articles similaires
-
Comment créer un environnement inclusif pour les contractuels ?
-
Travailler dans les médicaments de thérapie innovante
-
Recrutez-vous sans préjugés ?